Je mesure 1m à 1,20 de haut et jusqu’à 2,20 m d’envergure pour un poids de 4 à 6 kg. Je suis fière de mon habit de plumes cendrées qui scintillent dans le ciel bleu. J’ai une belle tache de chair rouge sur le sommet de ma tête, c’est mon diadème. J’ai de grands traits noirs et blancs le long du cou. Mes longues ailes se replient en une touffe ébouriffée de plumes noires à l’arrière et vous croyez que c’est ma queue. Mais celle-ci n’est visible qu’en vol. Sur mes hautes jambes effilées, je dors en prenant mon pied de grue. Je porte une série de 3 bagues colorées sur chaque patte. Sur la gauche, deux rouges et une bleue si je viens de Suède ou de Norvège. Trois blanches si je viens de Russie. Fidèle à mon couple toute ma vie, je me reproduis à l’âge de 3/4 ans. Je chante toutes les 10 secondes mon « krooh » sonore qui porte à 4 km.
Vous entendez mon cri avant de me voir dans le ciel où je ne vole jamais en solitaire. Notre vol est solidaire, car on se relaie pour conduire notre équipage de 20 à plus de 300 grues. Nous voyageons en famille (3 ou 4 grues) au sein du groupe, de jour comme de nuit et par tous les temps, au-dessus ou en dessous des nuages, en V, en Y, en ligne…Nous accompagnons nos petits au moins pendant la première migration et jusqu’à la fin de l’hiver.
Je suis la grue. Non, je ne suis pas celle que vous croyez. Je suis la grue cendrée.
Mon parcours migratoire
Ma vie est rythmée par deux cycles de migration prénuptiale (sud/nord) et post nuptiale (nord/sud).
Vers la mi-octobre, je quitte le nord de l’Europe où je me reproduis, pour aller vivre des jours meilleurs en Espagne durant l’hiver. Je fais une escale au lac du Der pour me reposer quelques jours. C’est notre dortoir où nous nous retrouvons par dizaines de milliers.
Là, je retrouve la compagnie de nos frères d’armes : oies cendrées, canards siffleurs, colverts, cormorans, sarcelles d’hiver, pygargues à queue blanche, aigrettes gazettes, rousserolles effarvates...
L’un de mes trois endroits préférés s’appelle l’aire de Chantecoq, où à l’aube naissante, nous nous donnons en spectacle pour nos amis les terriens,
En période migratoire, nous sommes jusqu’à 200 000 grues. Et encore, beaucoup d’entre nous échappent aux comptages réguliers et permanents de la LPO. Les premières d’entre nous arrivent à Gibraltar vers le 20 octobre.
En Espagne, de décembre à mars, 255 000 grues se retrouvent dans les différentes zones habituelles d’hivernage. Mais dès fin décembre, selon la clémence du climat, je peux remonter vers le nord-est pour la migration prénuptiale. Je fais beaucoup moins d’étapes, car je suis pressée de me reproduire.
La tentation de l’hivernage dans l’est de la France
Avec le changement climatique, nous sommes maintenant environ 11 000 à hiverner au lac du Der, autant en Lorraine sur 11 sites dont 2573 en Meurthe et Moselle.
Mes journées d’escale
Trente minutes avant le lever du soleil, je m’envole pour passer la journée dans les zones humides, les prairies et les friches, à manger, batifoler et me reposer. Je me nourris de grenouilles, de mollusques et de vers, mais aussi d’herbes, de graines et de baies…
Nos amis de la LPO veillent à notre confort et les agriculteurs nous aménagent des lieux de nourriture.
Mas nous sommes très craintives. Quelques détonations d’avions faisant le mur du son suffisent pour nous faire quitter définitivement les lieux pour un ailleurs plus tranquille.
Trois heures avant le coucher du soleil, je retourne au dortoir du Der pour passer la nuit. Et dans le ciel, jusqu’au soleil couché, je retrouve des nuées de mes congénères arrivant à leur tour pour faire escale.
Puis, un beau matin, je reprends ma migration vers l’Espagne, ou pourquoi pas le sud de la France.
Le lever de grues
Chaque jour, si le temps s’y prête, le lever de grues cendrées au lac du Der est magique. Un envol de 50 000 grues en l’espace de 2 heures devant le rideau du soleil levant vous transporte au pays du merveilleux dans un décor de rêve. Un théâtre de lumières et d’ombres ! Un ballet incessant mis en musique par les chants et les cris des grues, qui paradent sur les berges du lac et décrivent dans le ciel les arabesques de leur départ vers les pâtures ou vers le sud…
Sans oublier que les grues cendrées vous redonneront un deuxième spectacle au soleil couchant ! Alors, prêts pour aller faire le pied de grue ? SV
Source : documentation LPO - Ligue de protection des oiseaux- Champagne-Ardenne.